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« L’instituteur Pierre Sansoy, comme Froissart et Durand, faisait partie du bureau du parti communiste de la région. C’était un peu mon maître. J’avais en effet occupé provisoirement un poste à Saint-Sauveur où il exerçait et il m’avait beaucoup impressionné. Georgette, sa femme, avait la maternelle. J’y trouvais Maurice Carroué, l’ouvrier bûcheron au parler poyaudin, mais déjà militant syndical de classe. Pierre avec ses cheveux courts, ses traits réguliers, mais accusés, avait une allure prolétarienne ou celle d’un commissaire politique aux armées. Il n’était pas orateur, cherchant trop ses mots. Mais ce qu’il disait était réfléchi, raisonné et toujours logique. Excellent maître, c’était aussi un musicien, violoniste surtout, et j’assistais à des concerts qu’il organisait avec des amis. Sa femme, petite nature, souriante, aux cheveux flous, était d’une gentillesse exquise. Quels braves gens, si fraternels, si affectueux. Rien que pour eux on serait devenu communiste ! » Pierre Sansoy se débattait comme il pouvait au syndicat des instituteurs à peu près seul contre tous. Devant un auditoire décidé à tous les compromis pour sauver la paix, il tentait vainement de développer l’idée de se montrer ferme devant l’expansion nationale socialiste. Après la Tchécoslovaquie, Hitler avait la Pologne dans son collimateur. Il réclamait le couloir de Dantzig. Or nos collègues du syndicat étaient en majorité favorables à Marcel Déat qui, dans le journal l’Oeuvre écrivait qu’il était inutile de « mourir pour Dantzig ». Georges Varenne le secondait parfois, trop rarement, et Pierre le lui reprochait. Modestie ? Retenue vis à vis de son camarade pour qui il avait une grande considération. Toujours est-il que lorsqu’il parlait incontestablement ça portait. Avec Pierre, nos collègues étaient habitués et savaient à quoi s’en tenir… René Roulot, René Froissart, Pierre Sansoy, Georges Varenne, tous devaient disparaître dans la grande tourmente. Pierre Sansoy le premier, lors de l’arrivée des allemands aux abords d’Auxerre à Montallery. Le petit groupe de Pierre était parti de Vergigny le 15 juin 1940. Il devait rejoindre le Cie du 878e venant de Varenne. Celle-ci était déjà installée dans les maisons de Montallery lorsque le détachement de Pierre y arriva. Il évita les maisons et disposa ses hommes à flanc de coteau. Les soldats commencèrent à manger leurs provisions personnelles. Quelques soldats apparurent. Pierre à l’abri d’une haie aurait voulu, paraît-il, protéger le repli des soldats vers le bois avec sa mitraillette. Attaqué par un tank qui surgit brusquement au dernier moment, il aurait lui-même sauté dans le bois alors que ses hommes étaient encerclés. Les traces du tank étaient marquées près de son camarade tué à quelques mètres de lui. Il fut trouvé seulement le 18 juin avec son revolver à la main. Son capitaine, naturellement chargé de surveiller Pierre qui arrivait au régiment révoqué de la veille, a écrit ces phrases : « Sansoy a été brave et je désire qu’on le sache. Devant l’ennemi il n’y a qu’une consigne, celle de défendre son pays. Il l’a appliquée en faisant son devoir jusqu’à la mort ». Il a d’ailleurs demandé lui-même la Croix de la Légion d’Honneur et La Croix de Guerre qui lui furent attribuées à titre posthume. Nous apprîmes la mauvaise nouvelle par un entrefilet de " L’informateur Auxerrois ", petite publication auxerroise qui parut au début de l’occupation. Notre peine fut immense. Quelle malchance ! Quelle perte ! Et comme tu nous as manqué, Pierre ! » Georgette Sansoy poursuivit des activités de résistance après la mort de son mari. Source : Occupation hitlérienne et résistance dans l’Yonne (Robert BAILLY)
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